Les capacités financières des collectivités locales en région HDF : un indicateur de richesses des territoires



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Les travaux de l’Agence Hauts-de-France 2020-2040 ont porté à plusieurs reprises sur l’identification des fragilités des territoires qu’il s’agisse de travaux sur la vulnérabilité globale (Repères n°29) ou de fragilités plus spécifiques comme l’illectronisme (Repères n° 32). Ces fragilités sont d’autant plus fortes que le financement des collectivités territoriales, issu d’une sédimentation historique et en évolution constante, peut lui-même être source de différenciations. Ce Repères vise à présenter les principaux indicateurs mesurant la richesse des collectivités locales au niveau national et à apporter des éléments de comparaison entre régions. Il cherche également à distinguer et à expliquer, à l’échelle des intercommunalités de la région, les différences existantes en terme de capacités de financement.

 

Représentant 20 % des dépenses des administrations publiques et 58 % des investissements publics¹, les collectivités locales jouent un rôle majeur en France, que ce soit en terme de services rendus à la population ou bien d’investissements dans les territoires.

Les ressources des collectivités varient car elles dépendent de la capacité contributive des habitants et entreprises situés sur leur territoire. De plus, les années récentes, marquées par les conséquences financières de la pandémie de covid-19, ont montré des trajectoires financières différentes entre collectivités. Cela se retrouve nettement à l’échelle locale, celle des communes et intercommunalités.

La mise en place de systèmes de péréquations entre collectivités vise à corriger certains déséquilibres. Ces systèmes restent cependant perfectibles : le rapport de la Cour des Comptes, « Le financement des collectivités territoriales : des scenarios d’évolution » (2022), positionne le critère de solidarité comme un des trois grands critères devant guider l’évolution du système de financement des collectivités.

L’objet de cette analyse est de mieux comprendre les outils et indicateurs disponibles et d’analyser le positionnement des communes et intercommunalités de la région Hauts-de-France. Il est également d’avoir une lecture des disparités infra-territoriales, préalable nécessaire à l’identification des territoires les plus vulnérables, c’est-à-dire, ceux disposant de leviers financiers moins importants.

 

LES INDICATEURS NATIONAUX POSITIONNENT LA REGION AU 12ÈME RANG

Plusieurs indicateurs sont utilisés au niveau national. Ceux-ci sont produits par la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL, Ministère de l’Intérieur) notamment dans le but de déterminer les dotations forfaitaires de l’Etat aux collectivités et de mettre en place des mécanismes de péréquation horizontale (entre collectivités d’un même niveau).

Construits à l’échelle des intercommunalités, ces indicateurs sont dits agrégés car ils consolident les budgets des communes et des intercommunalités (dénommées comme « ensemble intercommunal »).

Le potentiel fiscal agrégé (PFA) constitue pour une collectivité les recettes qu’elle obtiendrait en appliquant les taux nationaux moyens aux bases fiscales de son territoire. Il s’agit d’un indicateur de richesse qui s’appuie sur une prise en compte objective des capacités propres à chaque collectivité. Il est différent des indicateurs de gestion (par exemple : épargne brute, capacité de désendettement,…). A partir de cet indicateur rapporté au nombre d’habitants[2], les ensembles intercommunaux de la région Hauts-de-France se trouvent au 12ème rang en France métropolitaine devant la Bretagne. Le potentiel fiscal agrégé moyen est de 839 € par habitant pour la région soit 15 % en dessous de la moyenne nationale (992 € par habitant).

La relative faiblesse de ce potentiel fiscal est compensée par une mobilisation plus importante du levier fiscal. Les Recettes Fiscales Agrégées (RFA) par habitant, c’est-à-dire les recettes réellement perçues à partir de la fiscalité, sont proches de la moyenne en Hauts-de-France (966 € par habitant pour une moyenne à 1 011 €) et positionnent la région en 5ème place. Cela signifie que l’effort fiscal des ensembles intercommunaux de la région est plus important qu’ailleurs pour obtenir des ressources par habitant comparables.

Le potentiel fiscal agrégé présente toutefois un certain nombre de limites. Il ne prend pas en compte les dotations récurrentes de l’Etat qui représentent en moyenne 14 % des ressources des collectivités. Le potentiel financier agrégé (PFIA) ajoute au potentiel fiscal les dotations, ce qui permet d’avoir une approche plus complète. Il intègre également les péréquations opérées entre collectivités (en positif ou en négatif). Le PFIA est d’ailleurs l’indicateur utilisé pour déterminer les collectivités contributrices au FPIC[3].

En utilisant cet indicateur, la moyenne des ensembles intercommunaux des Hauts-de-France est de 946 €/hab. (soit 14 % en dessous de la moyenne nationale du PFIA par habitant qui est de 1 094 €). Les collectivités de la région Hauts-de-France se trouvent donc au 12ème rang national. Cette place correspond également au rang régional en terme de PIB/habitant comme le montre le tableau ci-dessous et montre l’existence d’un lien entre richesse produite dans les territoires et prélèvements réalisés.

 

Régions Potentiel financier agrégé par habitant PIB/Habitant K€
Ile-de-France (Hors Paris) 1 378,08 57,60
Provence-Alpes-Côte d’Azur 1 269,92 31,58
Auvergne Rhône-Alpes 1 387,01 33,21
Corses 1 046,34 25,57
Normandie 1 034,87 27,17
Nouvelle Aquitaine 1 019,77 28,47
Pays de Loire 1 002,50 30,26
Grand Est 993,86 27,53
Centre-Val de Loires 980,17 27,86
Occitanie 965,85 28,16
Bourgogne-Franche-Comté 958,05 27,03
Hauts-de-France 946,32 26,95
Bretagne 916,07 29,50

Source : DGCL 2022, Insée

Des disparités marquées entre territoires

Le potentiel financier agrégé par habitant permet également de lire des différences territoriales entre territoires d’une même région. A l’échelle de la région Hauts-de-France, cet indicateur connait des variations très fortes entre les différents ensembles intercommunaux.
Le rapport à la moyenne régionale (946 €/hab.) varie de 52 % de la moyenne à plus de 200 %. La plupart des agglomérations sont situées au-dessus de cette moyenne.

 

 

 

La Métropole Européenne de Lille et Amiens Métropole disposent-elles d’un potentiel financier plus important ?

Le potentiel financier agrégé de la MEL est assez proche de la moyenne régionale : il est de 999 € habitant soit 5 % au-dessus de la moyenne régionale. Par ailleurs, le potentiel financier agrégé de la MEL se trouve au 21ème rang régional parmi l’ensemble des EPCI de la région. Une comparaison avec les autres métropoles en France montre que la MEL connait un PFIA/hab. bien inférieur à celui d’autres métropoles (19 % inférieur à celui de l’Eurométropole de Strasbourg, 31 % inférieur à celui de la Métropole de Lyon) ce qui la place au dernier rang des 21 métropoles françaises définies au 1er janvier 2019.

Amiens Métropole dispose, elle, d’un PFIA de 1 111 € par habitant soit 17 % au-dessus de la moyenne régionale et se classe au 8ème rang régional.

Le potentiel financier varie suivant la taille des ensembles intercommunaux : le PFIA moyen augmente avec la tranche de population. Les ensembles intercommunaux de moins de 25 000 habitants ont un PFIA moyen de 764 € par habitant alors que ceux de plus de 100 000 habitants ont un PFIA moyen de 1 050 € par hab. Cependant, il existe des variations à l’intérieur de ces tranches de population qui peuvent être importantes comme le montre le graphique ci-dessous. Des EPCI de taille intermédiaire peuvent avoir des PFIA élevés (CC Senlis-Sud Oise, Flandre-Lys, Des Villes Sœurs) alors que des EPCI de plus de 100 000 habitants ont un PFIA par habitant relativement bas (CC Flandre Intérieure, CA de Lens-Liévin). Les variations les plus importantes se retrouvent dans les tranches supérieures alors que le groupe des ensembles intercommunaux de moins de
25 000 habitants présente une variation plus faible.

 

Tranche de population PFIA moyen des EPCI PFIA minimum PFIA maximum Ecart mini-maxi Ecart type de PFIA
Moins de 25000 habitants 764 € 558 € 1 053 € 495 € 142 €
Entre 25 et 50 000 habitants 767 € 495 € 1 242 € 747 € 186 €
Entre 50 000 et 100 000 habitants 876 € 593 € 1 268 € 675 € 193 €
Plus de 100 000 habitants 1 050€ 708 € 2 173 € 1 465 € 322 €

Source : DGCL 2022, Insée

 

 

L’impact de l’activité économique dans les ressources des collectivités

Les impôts de nature économique sont ceux issus de l’activité d’entreprises sur les territoires. Il s’agit notamment de la CVAE (Contribution sur la Valeur Ajoutée) de la CFE (la Cotisation Foncière des Entreprises), de la TASCOM (Taxe sur les surfaces commerciales) et des IFER (Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseau). Les impôts issus des activités économiques expliquent en partie la différence de potentiel financier entre ensembles intercommunaux de même taille démographique. En effet, les activités économiques sont inégalement réparties dans les territoires (par exemple, les surfaces commerciales sont concentrées dans les principales agglomérations). Les ressources fiscales qu’elles génèrent sont donc inégalement réparties.

Le produit des impôts économiques atteint en moyenne régionale 17 % des recettes fiscales agrégées. Les impôts économiques jouent donc un rôle dans les capacités financières des territoires car ils permettent de dégager une somme comprise entre 24 € (CC d’Audruicq) et 390 € (CU de Dunkerque) par habitant. Les montants d’impôts économiques les plus élevés sont localisés dans les territoires urbains (Lille, Dunkerque, Béthune-Bruay). Cependant, la part des impôts économiques dans les recettes fiscales peut être relativement élevée dans des communautés de communes ou territoires ruraux. C’est le cas pour les CC Portes de la Thiérache, Sud-Artois, Haute-Somme et Plaine d’Estrées pour lesquelles les produits d’impôts économiques représentent plus de 30 % des recettes fiscales agrégées.

Enfin, le lien entre PFIA par habitant et richesse dégagée peut ainsi être estimé. La richesse dégagée est mesurée localement par l’Insee et correspond à l’estimation de la valeur ajoutée produite par les établissements du territoire. On observe alors une relation positive qui explique la moitié de la variation du PFIA. Cela s’explique car certains impôts économiques sont directement reliés à cette valeur ajoutée notamment la CVAE.

En synthèse, on peut retenir que les collectivités du bloc communal en région disposent de capacités financières inférieures à la moyenne nationale. A l’échelle de la région Hauts-de-France, des différences de richesse existent également entre intercommunalités.

Dans ces deux cas, les ressources fiscales tirées de l’activité économique jouent un rôle déterminant pour expliquer ces écarts. Les infrastructures (de transport ou énergétique), la concentration d’activités économiques produisant des valeurs ajoutées élevées et la présence d’industries peuvent ainsi augmenter la richesse potentielle d’un territoire. La géographie de ces inégalités de richesse semble en revanche dépasser les analyses en termes de taille des EPCI ou de caractère urbain ou rural. Si les territoires peuplés et denses ont globalement une richesse potentielle plus élevée, certains territoires plus petits ou plus ruraux peuvent bénéficier d’un potentiel relativement important rapporté au nombre d’habitants.

 

 

Méthodologie

Les données utilisées proviennent des critères de dotation publiés par la DGCL annuellement. Les données publiées en 2022 pour les EPCI permettent d’obtenir le potentiel financier agrégé global. Les potentiels financiers par habitant calculés par la DGCL se font à partir d’une population dite DGF pondérée suivant la taille de la collectivité (facteur de 1 à 2). Il a été choisi ici de calculer le PFIA par habitant à partir de la population Insee brute. Les données de la ville de Paris n’étant pas intégrées dans la base des EPCI, les données concernant l’Ile de France ne la prennent pas en compte.

 

[1]Insee, Les comptes des administrations publiques en 2022Retour

[2]Données inseeRetour

[3]Le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) a été mis en place en 2012. Il constitue le premier mécanisme national de péréquation horizontale pour le secteur communal avec un montant de 1Mds d’euros par an.Retour